“La Veuve rusée” : un Goldoni rondement mené aux Bouffes Parisiens
Mais qu’ont-ils donc, tous ces hommes bien nés, à tourner autour de la jeune et jolie jeune veuve qui promène son charme et sa beauté à travers la Venise du XVIII°siècle ? Sont-ils vraiment sincères dans leur déclarations enfiévrées ? Cette comédie piquante, écrite en 1748 par le maître italien Carlo Goldoni, est mise en scène avec bonheur au Théâtre des Bouffes Parisiens par l’Italien Giancarlo Marinelli avec des costumes de toute beauté et un casting virevoltant.
Une veuve très en forme
Quand on est riche, veuve et jolie, rares sont les prétendants qui ne vous courent pas après. Rosaura Lombardi est l’héroïne vénitienne de cette comédie italienne qui conserve, pour la première fois, tous les aspects de la commedia dell’arte. En trois actes rondement menés, La Fine Mouche, titre par laquelle la Vedova Scaltra est parfois adaptée en français, raconte la ronde vaniteuse des prétendants de quatre nationalités différentes, un lord anglais, un gentilhomme français, un noble espagnol et un comte italien. Rivalisant de cadeaux et de compliments, ils usent et abusent d’Arlequin qui devient le serviteur respectif de chacun d’eux. L’affaire se corse quand la belle Vénitienne, pétrie d’indécision, soumet chacun des prétendants à une feinte subtile et provocante dans l’objectif de sonder la sincérité de chacun.
Mise en scène effervescente
Dans un décor de projections vénitiennes, arcades et portes de palais baroques, les comédiens s’amusent follement, usent et abusent du cliché qui caractérise chaque type. Bien sûr, Goldoni se rit des prototypes et se joue des caractères, mais sa férocité à l’égard des relations sociales emporte l’adhésion, son écriture est brillante et dynamique, et elle est servie ici par des interprètes au jeu savoureux. Catarina Murino, actrice qui a beaucoup tourné au cinéma, prête sa silhouette fine à Rosaura avec un accent italien et une énergie pétillante. Elle est secondée par la blonde Sarah Biasini, véritable feu d’artifice de fraîcheur qui donne à Marionnette, sa dame de compagnie, une superbe et radieuse présence.
Casting réussi
Dans les rôles de prétendants, Pierre Rochefort compose un mélancolique comte italien, qui tranche avec le brio démonstratif de ses voisins. Thierry Harcourt campe un Lord Anglais plus vrai que nature, méprisant et sûr de lui, Vincent Deniard excelle dans l’Espagnol rugissant, emportant avec lui toute sa généalogie prestigieuse. Dans le rôle du Français, Vincent Desagnat est d’une préciosité qui frise l’extravagance. Enfin, Tom Leeb réalise une véritable démonstration comique dans un Arlequin multi-formes et multi-fonctions, roulant des fesses et des yeux, récupérant cadeaux, argent et mots doux, créant un désordre burlesque et ubuesque. Rajoutons que les costumes, créés par l’Atelier vénitien de Stefano Nicolao, sont de toute beauté, comme la lumière de Didier Brun, qui font de cette production franco-italienne une comédie joyeuse et très réussie.
Hélène Kuttner
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